
La Résistance Comme Outil de Rétablissement
Tu te réveilles.
Deux versions de toi-même se battent déjà dans ta tête.
Version 1: "Aujourd'hui je vais conquérir le monde, rester clean, et avancer vers ma meilleure vie."
Version 2: "Ben voyons donc, le lit est tellement confortable... pis est-ce que ça fait vraiment une différence si je reste icitte jusqu'à midi?"
Ce n'est pas juste une bataille quotidienne.
C'est la guerre éternelle contre l'ennemi le plus sournois que tu affronteras jamais: ta propre résistance.
Les gens ordinaires vivent leurs vies sans jamais reconnaître cette force invisible.
Mais toi?
T'es en rétablissement.
T'as déjà fait face à tes démons les plus sombres.
Tu connais l'ennemi par son nom.
Chaque matin, quand ton cadran sonne et que ton cerveau commence à te bombarder de raisons pour lesquelles tu devrais "juste prendre une petite pause" de ton rétablissement aujourd'hui, tu fais face à l'adversaire ultime.
Pas la substance.
Pas les déclencheurs externes.
Mais cette voix interne, cet instinct primitif qui te tire vers l'arrière avec la force gravitationnelle d'un trou noir.
Bienvenue dans ton combat contre la résistance. Une bataille que personne ne voit, mais qui détermine tout.
HISTOIRE PERSONNELLE
Laisse-moi te raconter quelque chose.
Il y a six ans, j'étais assis dans une salle de meetings, à mon 7e jour de sobriété, convaincu que j'allais mourir d'ennui avant de mourir de ma dépendance.
Un gars couvert de tatouages, avec une mohawk à moitié effacée – clairement un ancien punk – s'est levé pour partager.
"La pire partie du rétablissement," a-t-il dit, "c'est pas les envies de consommer. C'est le combat constant contre toi-même pour faire les affaires qui vont réellement t'aider."
Je pensais qu'il exagérait. Jusqu'à ce que je me retrouve, deux semaines plus tard, debout devant le bâtiment où se tenait ma réunion, inventant des excuses pour pas y aller – alors que j'étais déjà sur place, esti!
J'avais littéralement fait tout le chemin jusque-là, et pourtant une partie de moi cherchait désespérément une porte de sortie.
"Mon char est mal stationné," me disais-je. "J'ai oublié d'appeler ma mère." "Y'a trop de monde aujourd'hui." "Y fait ben trop frette pour sortir du char." Les excuses se multipliaient comme des petits lapins dans ma tête.
C'est ce jour-là que j'ai compris: la dépendance n'était que la partie visible de l'iceberg. La véritable bataille serait contre cette force mystérieuse qui me tirait vers l'arrière chaque fois que j'essayais d'avancer.
Je me suis finalement traîné à l'intérieur ce jour-là, mais juste parce qu'un gars que je connaissais m'a vu figé comme une statue devant la porte et m'a dit:
"Heille, tu viens-tu ou quoi?"
Cette petite poussée a fait la différence entre continuer mon rétablissement ou commencer à glisser vers la rechute.
À partir de ce moment, j'ai commencé à remarquer ce phénomène partout.
Comment je remettais toujours à plus tard mon journal de rétablissement.
Comment mon téléphone devenait soudainement fascinant juste quand c'était l'heure de méditer.
Comment je "manquais d'énergie" exactement les jours où mon groupe de soutien se réunissait.
Ce n'était pas un hasard.
C'était ma résistance – aussi prévisible qu'une horloge suisse.
La Résistance: Un Adversaire Vicieux
La résistance est cette force invisible qui s'active exactement quand tu sais que tu dois faire quelque chose de bon pour toi.
T'sais, comme quand tu te dis: "Demain matin, c'est certain que je me lève à 6h pour méditer," et puis quand le réveil sonne, une force mystérieuse écrase le bouton snooze avant même que t'aies le temps d'y penser.
C'est ça la résistance.
Elle résonne encore plus fort dans le rétablissement parce que les enjeux sont tellement importants.
C'est pas juste manquer une séance d'entraînement ou oublier de de te passer la soie dentaire – c'est ton équilibre mental, ton avenir, ta liberté qui sont en jeu.
Cette résistance est alimentée par plusieurs sources:
Le déni – Ce petit menteur qui te dit "t'avais pas vraiment un problème si grave" ou "tu pourrais totalement consommer modérément maintenant." Le déni est comme ton ami d'enfance un peu louche qui te convainc toujours de faire des niaiseries, même quand t'as promis à ta mère que tu serais sage. Il arrive dans ta tête avec un sac plein d'arguments qui sonnent tellement raisonnables: "Voyons donc, t'as été clean pendant trois mois, c'est clair que t'as pas vraiment un problème." Ou le classique: "C'était juste une période difficile, t'es correct asteure."
Le déni est particulièrement vicieux parce qu'il porte un déguisement de rationalité. Il utilise des faits partiels et des arguments plausibles pour te faire douter de la réalité que tu connais au fond de toi.
La peur du changement – Parce que même un enfer familier est plus confortable qu'un paradis inconnu. C'est comme quand tu restes dans ton appart miteux avec les tuyaux qui coulent parce que déménager semble trop stressant, même si tu pourrais vivre dans un endroit ben meilleur.
En rétablissement, cette peur prend une dimension épique. La dépendance, aussi destructrice soit-elle, jouait un rôle dans ta vie. Elle était peut-être ta stratégie d'adaptation, ton identité sociale, ta façon de gérer le stress ou l'anxiété. Sans elle, qui es-tu? Comment vas-tu faire face à la vie? Comment vas-tu t'amuser? Faire des rencontres? Gérer le stress? Ces questions créent un vide vertigineux qui peut sembler plus effrayant que la dépendance elle-même.
La stigmatisation et la honte – Cette voix qui te dit que t'es trop brisé pour mériter une vie meilleure. "Le monde comme toé ne s'en sortent pas," chuchote-t-elle. "Pourquoi t'essaies ?"
La société nous bombarde de messages contradictoires: "La dépendance est une maladie, mais aussi une faiblesse morale." "Cherche de l'aide, mais cache ta honte." Ces messages s'infiltrent dans notre psyché et deviennent des voix internes qui nous maintiennent petits et isolés.
(Un esti de long article sur la stigmatisation des personnes en rétablissement s’en vient !!)
La honte est particulièrement toxique parce qu'elle attaque notre valeur fondamentale. Ce n'est pas juste "j'ai fait quelque chose de mal," c'est "je SUIS quelque chose de mal." Cette croyance profonde peut saboter même les efforts de rétablissement les plus sincères.
L'isolation – Qui te convainc que personne comprend et que tu dois tout faire seul. "Ils peuvent pas vraiment saisir ce que tu vis," murmure la résistance. "Tu vas juste te sentir plus seul si tu partages."
L'isolation est à la fois un symptôme et une cause de la dépendance. Plus on s'isole, plus on souffre; plus on souffre, plus on cherche à s'échapper; plus on cherche à s'échapper, plus on s'isole. C'est un cercle vicieux parfait.
Dans le Québec des régions, ce problème est souvent amplifié. Quand tu vis dans un petit village où tout le monde connaît tes affaires, l'idée d'admettre publiquement que tu luttes contre une dépendance peut sembler impossible.
La géographie elle-même peut devenir un outil de la résistance.
Le traumatisme – Ces blessures du passé qui saignent encore dans ton présent. Le traumatisme n'est pas juste un souvenir douloureux; c'est une expérience qui remodèle ton système nerveux, te laissant constamment en état d'alerte ou d'engourdissement.
Beaucoup d'entre nous ont utilisé des substances comme une forme d'auto-médication pour ces blessures. Enlever cette "médication" sans adresser le traumatisme sous-jacent, c'est comme enlever un pansement d'une plaie ouverte et s'attendre à ce qu'elle guérisse par magie.
La résistance utilise ce traumatisme comme carburant: "Tu vas te sentir pire avant de te sentir mieux si tu commences à remuer tout ça. Es-tu vraiment prêt pour ça?"
Comment la Résistance Se Manifeste dans Ton Quotidien
T'es-tu déjà promis de faire quelque chose d'important pour ton rétablissement, pis tout d'un coup, comme par magie, ton appartement a besoin d'être nettoyé de fond en comble?
Ou peut-être que tu te retrouves à scroller sur ton téléphone pendant des heures, te disant que tu vas "juste finir de regarder ces vidéos" avant de commencer ton travail de rétablissement?
Voici comment la résistance se pavane dans la vie de tous les jours:
La procrastination héroïque: Tu remets pas juste à plus tard – tu trouves des tâches super importantes et urgentes à faire à la place. "Je peux pas aller à ma réunion ce soir, faut absolument que je range mon garde-manger par ordre alphabétique!"
Le perfectionnisme paralysant: "Si je peux pas faire mon rétablissement parfaitement, aussi bien ne pas le faire du tout." Ce piège est particulièrement sournois parce qu'il se déguise en vertu.
Les négociations interminables: "Je vais y aller demain à la place," ou "Je vais faire le double la semaine prochaine pour compenser."
L'amnésie sélective: Tu oublies mystérieusement les conséquences douloureuses de ta dépendance et te souviens seulement des "bons moments."
L'auto-sabotage préemptif: Tu crées des situations qui rendent impossible de suivre ton plan de rétablissement, puis tu utilises ces situations comme excuses.
C'est comme si une partie de ton cerveau était un petit avocat rusé qui plaide continuellement en faveur du statu quo, trouvant des échappatoires dans chaque engagement que tu prends envers toi-même.
Stratégies de Combat Non-Conventionnelles
Voici quelque chose que personne te dira dans les cercles de rétablissement traditionnels: utilise ta nature rebelle à ton avantage.
La plupart des gens essaient de combattre la résistance en étant "sages" et "disciplinés" – ce qui est exactement pourquoi ils échouent.
Toi?
Tu vas faire l'inverse.
Prends cet instinct de rébellion qui t'a peut-être poussé vers les dépendances en premier lieu, et retourne-le contre ton plus grand oppresseur: ta propre résistance.
Chaque fois que tu sens cette résistance monter, dis-toi: "Je vais faire ce truc de rétablissement précisément PARCE QUE mon cerveau veut pas que je le fasse." Transforme chaque action positive en un acte de rebellion contre la partie de toi qui veut rester coincée.
Le système veut que tu restes prisonnier de tes vieilles habitudes?
Brise le système.
Tu veux pas aller au meeting ?
C'est parfait – ça veut dire que c'est exactement là où tu dois aller, juste pour contredire cette voix dans ta tête.
Imagine que ta résistance est comme "le système" contre lequel tu t'es peut-être rebellé dans ta jeunesse.
Cette autorité qui te disait quoi faire et comment vivre.
Maintenant, la vraie rébellion, c'est de défier cette voix intérieure qui veut te garder petit et coincé.
Tu peux même donner un nom à ta résistance – appelle-la "Le Conformiste" ou "L'Agent du Système" – et prends plaisir à la contrarier à chaque occasion. "Ah, Le Conformiste veut que je reste au lit aujourd'hui au lieu d'aller courir? Parfait, je vais mettre mes running shoes juste pour lui montrer."
Célèbre chaque petit acte de rébellion contre ta résistance comme une victoire anarchiste personnelle.
T'as réussi à méditer cinq minutes même si ton cerveau te hurlait de checker ton téléphone?
T'as gagné une bataille contre le système oppressif de la résistance.
Félicitations, camarade révolutionnaire!
AUTRES TACTIQUES DE GUÉRILLA CONTRE LA RÉSISTANCE:
La stratégie du ninja – Contourne ta résistance en rendant les bonnes actions ridiculement faciles. Dors dans tes vêtements de sport si ça t'aide à te lever pour courir le matin.
Prépare tout ton attirail de méditation la veille. Rends-toi la vie tellement facile que même la résistance la plus forte se trouve à court d'arguments.
Un ninja ne combat pas toujours directement - il utilise la ruse, la surprise et l'environnement à son avantage.
Sois le ninja de ton propre rétablissement.
Par exemple, si tu sais que tu trouves toujours une excuse pour pas aller à ta thérapie, prends rendez-vous pour juste après quelque chose que t'aimes faire, comme après ton café préféré ou ton cours de musique.
Ou mieux: paye d'avance tes séances.
Rien comme la perspective de perdre de l'argent pour motiver même le résistant le plus têtu!
Force de frappe collective – Le pouvoir de la communauté est ton arme secrète. Trouve des compagnons de bataille qui te tiendront responsable sans jugement. C'est ben plus difficile d'écouter ta résistance quand t'as promis à quelqu'un d'autre que tu serais présent.
On parle pas juste d'avoir un parrain ou une marraine ici (bien que ce soit super important). On parle de créer ce que j'appelle un "réseau de résistance à la résistance."
Des personnes qui comprennent ce combat interne et peuvent le reconnaître en toi même quand toi tu le vois pas.
Crée un groupe de texto où vous faites vos check-ins quotidiens. Trouve un buddy pour t'accompagner aux meetings.
Engage-toi dans des défis de 30 jours avec d'autres personnes en rétablissement.
La honte et l'isolation nourrissent la résistance; la connexion et la responsabilité l'affament.
Compassion radicale – Parle à ta résistance comme tu parlerais à un ami qui a peur.
Comprends-la, puis doucement, fermement, fais ce que tu dois faire quand même.
La résistance, aussi frustrante soit-elle, vient souvent d'un lieu de peur légitime. Ton cerveau essaie de te protéger à sa façon maladroite. Reconnaître ça peut transformer ton rapport avec elle.
Essaie ce dialogue interne: "Je comprends que t'as peur. C'est correct d'avoir peur. Merci d'essayer de me protéger. Mais je vais quand même aller à cette réunion, parce que c'est ce qui est vraiment bon pour moi à long terme."
Cette approche peut sembler "moumoune" pour certains, surtout si t'as grandi dans une culture où montrer de la vulnérabilité était vu comme une faiblesse. Mais la vraie force, c'est de pouvoir être à la fois ferme et compatissant avec toi-même.
L'humour comme bouclier – Apprends à rire de l'absurdité de ta propre résistance. Donne-lui un nom ridicule si ça t'aide.
Quand tu remarques que tu fais quelque chose de vraiment ridicule pour éviter ton travail de rétablissement – comme réorganiser ta collection de musique par couleur de pochette au lieu d'aller à une réunion – prends un moment pour apprécier l'absurdité créative de ton cerveau.
Partage ces moments avec d'autres en rétablissement. Y'a rien comme rire ensemble de nos excuses les plus élaborées pour créer de la connexion et dégonfler le pouvoir de la résistance.
La technique du "juste 5 minutes" – Promets-toi de faire l'activité redoutée pendant seulement 5 minutes.
C'est tout.
Après ça, t'es libre d'arrêter.
La plupart du temps, commencer est la partie la plus difficile, et une fois que t'es dedans, tu continues naturellement.
Cette technique fonctionne parce qu'elle court-circuite le mécanisme de la résistance. Ton cerveau accepte plus facilement un petit engagement temporaire. "OK, je vais juste lire 5 minutes de ce livre de rétablissement, après je peux retourner scroller sur mon téléphone." Mais souvent, une fois que t'es engagé dans l'activité, l'inertie change de direction.
L'analyse coûts-bénéfices brutalement honnête – Prends une feuille de papier. D'un côté, note tous les "avantages" à céder à ta résistance (le confort temporaire, éviter l'inconfort, etc.). De l'autre, note les coûts réels (recul dans ton rétablissement, culpabilité, conséquences à long terme). Sois impitoyablement honnête.
Cette technique t'aide à voir clairement ce que ton cerveau fait quand il résiste: il privilégie un petit confort à court terme au détriment d'un énorme bénéfice à long terme. Voir ça noir sur blanc peut être suffisamment choquant pour casser le sort de la résistance.
Ce qu’on résiste, persiste, Carl Jung
La résistance sera toujours là. Elle disparaît pas magiquement après 30 jours, 90 jours, ou même 10 ans.
Mais elle peut devenir ton meilleur professeur – un adversaire qui te rend plus fort chaque fois que tu refuses de lui céder.
Tu n'es pas juste en rétablissement. T'es un guerrier rebelle engagé dans la bataille la plus importante de ta vie – celle pour ta propre liberté.
La beauté de cette lutte, c'est qu'elle renforce ton "muscle de décision" chaque fois que tu choisis le rétablissement malgré la résistance.
Et ce muscle te servira dans tous les aspects de ta vie. Les mêmes compétences qui t'aident à aller à un meeting quand tu préférerais rester chez vous t'aideront à poursuivre d'autres rêves quand ça deviendra difficile.
Rappelle-toi: céder à la résistance te donne un bref moment de paix suivi par des heures, des jours ou même des années de regret.
Vaincre la résistance te donne peut-être quelques minutes d'inconfort suivies par une confiance et une fierté durables.
La prochaine fois que tu sentiras cette résistance monter en toi, souris. Dis "Ah, te revoilà, mon vieil ennemi." Puis fais ce petit pas en avant quand même. Juste pour aujourd'hui. Une petite rebellion à la fois.
Maintenant, quelle petite rébellion contre ta résistance vas-tu commettre aujourd'hui?
Vas-tu appeler ce parrain que t'évites?
Écrire dans ton journal même si ça "sert à rien"?
Assister à cette réunion même si "t'es trop fatigué"?
Choisis ta bataille pour aujourd'hui.
Juste une. Et vas-y.
Montre à ta résistance qui est vraiment le boss icitte.
Le rétablissement n'est pas un chemin en ligne droite.
C'est un sentier sinueux plein d'obstacles, dont le plus grand est souvent invisible. Mais avec chaque pas, même hésitant, même tremblant, tu deviens plus fort.
Plus résilient.
Plus libre.
On est une armée de rebelles en rétablissement, en train marcher un chemin rempli de découvertes.
T’es pas seul dans ce nouveau chemin .
Et ensemble, pas à pas, jour après jour, on peut tous comprendre et utiliser la résistance à notre avantage .