Se croire si différent

Jouer à être Dieu

April 13, 202511 min read

La dépendance cachée derrière nos autres dépendances

"Quand nous ne pouvons plus changer une situation, nous sommes mis au défi de nous changer nous-mêmes. La grandiosité est le refus d'accepter ce défi." - Viktor Frankl

J'aimerais parler d'un truc dont on parle pas souvent.

Vraiment pas.

Un p'tit quelque chose qui nous gruge de l'intérieur tout en nous faisant croire qu'on est extra spécial.

La grandiosité.(Ego démesuré)

La grandiosité se définit fondamentalement comme un sens exagéré de sa propre importance, de sa supériorité, de son unicité, de ses capacités ou de ses accomplissements. Elle implique un égocentrisme marqué, une attitude condescendante envers autrui et un sentiment de droit (entitlement).

T'sais, cette p'tite voix dans ta tête qui te chuchote : "T'es pas comme les autres", "Les règles ordinaires, c'est pas pour toi", "Toi là, tu peux en prendre plus que le monde normal".

"Je deviens pas saoul, je deviens génial!"

Vous l'avez sûrement déjà entendue, cette phrase typique des personnes aux prises avec une dépendance : "Je deviens pas saoul, je deviens génial!"

C'est ça, la grandiosité - cette perception gonflée de sa propre importance et supériorité.

L'alcool et les drogues nourrissent cette attitude.

Des petits problèmes deviennent des drames cosmiques, nos opinions deviennent des vérités absolues, et on finit par jouer à être Dieu.

(Sous l’air des Dayglos )

On se présente comme arrogants, impatients, égoïstes, agressifs... tout ça parce qu'on vit dans une société qui valorise le succès matériel et nous fait croire qu'on mérite "le meilleur" de toute.

Un petit quiz éclair

Te reconnais-tu dans ces pensées?

• "Je comprends mon problème ben mieux que les experts"

• "Les AA, c'est pour les vrais alcolos chroniques irrécupérables"

• "Je peux consommer/travailler/risquer plus que la moyenne sans conséquence"

• "Ma situation est tellement unique que presque personne peut comprendre"

Si t'as fait "oui" de la tête ne serait-ce qu'une fois, bienvenue dans notre belle gang. Celle des gens qui se pensent spéciaux.

J'en ai fait partie pendant des années, pis laisse-moi te dire que ça m'a pas aidé pantoute.

La sainte trinité: immaturité, égocentrisme et déni

C'est comme rester pogné dans l'enfance, cette attitude de "Sa Majesté le Bébé" et d’enfant roi .

On veut tout, tout de suite, pis on tolère pas la frustration.

Ça se transforme en entêtement pis en arrogance à l'âge adulte.

L'égocentrisme devient notre état normal.

Le plaisir passe toujours en premier.

On devient des pros pour cacher nos bouteilles ou nos drogues, pis on est tellement fiers de notre ingéniosité!

Ce côté "cachottier" renforce notre ego et nous empêche d'accepter l'aide des autres.

On finit par se sentir tellement uniques, avec des problèmes tellement spéciaux, que personne peut nous aider.

C'est là qu'on commence à tout rationaliser avec une attitude de "raisins verts" - on trouve des excuses pour continuer, des alibis, des échappatoires.

"Moi ça va! Y'a ben du monde qui sont pires que moi!" que j'me disais. Cette attitude de supériorité m'aveuglait complètement sur qui j'étais vraiment.

Mon chum "pas comme les autres"

J'connais un gars, on va l'appeler François.

Vraiment brillant, ben charmant, capable de boire comme un trou tout en menant une carrière impressionnante.

Le genre à te dire : "Alcoolique? Voyons donc! J'bois jamais avant le souper, j'manque jamais une journée de travail, là!"

Un soir ben ordinaire, tout seul chez lui avec son verre, il a aperçu son reflet dans la fenêtre. Juste un gars normal qui a besoin d'un verre.

Pas envie.

Besoin.

Ça l'a épeuré pas mal.

Alors il a fait ce qu'on fait tous quand on a peur de la vérité : il est allé sur Google chercher des preuves qu'il était pas alcoolique.

Mais il est tombé sur un article parlant de l’illusion d’exceptionnalisme dans l'addiction.

Sa première réaction? "Ben voyons, ça me concerne pas pantoute."

Et pouf! Il venait juste de faire exactement ce que l'article décrivait.

Le p'tit boss en dedans : comment l'égocentrisme excessif bloque ta guérison

La grandiosité peut être aussi dangereuse pour notre rétablissement que la colère ou le ressentiment.

Pourquoi? Parce qu'elle nous convainc qu'on peut consommer "de manière responsable".

Cette complaisance nous pousse vers la rechute.

L'addiction est vraiment la seule maladie qui dit à ses victimes qu'elles ne l'ont pas!

Elle nous maintient dans le déni, cette arme puissante de la dépendance chimique.

D'un côté, la grandiosité nous rend méfiants des autres et de leurs conseils; de l'autre, elle nous fait croire qu'on est "trop intelligents pour se faire avoir".

Sous la cape du superhéros : la douleur qu 'on n'ose pas voir

Quand Gabor Maté dit "La question n'est pas pourquoi l'addiction, mais pourquoi la douleur.La grandiosité est juste un moyen de masquer cette douleur fondamentale," il touche à quelque chose que j'ai vu mille fois dans ma propre vie et chez tellement de personnes que j'ai rencontrées.

T'sais, on passe notre temps à se demander pourquoi quelqu'un devient accro à l'alcool, aux médicaments ou même au travail, mais on pose rarement la vraie question: qu'est-ce qu'on essaie d'engourdir?

La grandiosité, cette façon de se voir comme spécial et au-dessus des autres, c'est comme un gros band-aid coloré qu'on colle sur une plaie profonde.

Quand je me racontais que j'étais "différent" et que je pouvais gérer plus que les autres, c'était juste ma façon de ne pas regarder cette douleur qui me rongeait par en dessous - ce sentiment de ne pas être assez bon, cette peur d'être ordinaire, cette impression de vide que j'arrivais pas à nommer.

Se croire extraordinaire, c'est souvent plus facile que d'admettre qu'on souffre comme tout le monde.

C'est pour ça que le vrai rétablissement commence pas quand on arrête de consommer, mais quand on commence enfin à regarder cette douleur qu'on a passé tant d'années à masquer derrière notre cape de superhéros imaginaire.

La procrastination et l'envie: les acolytes de la grandiosité

La procrastination est une autre arme redoutable de la grandiosité.

On repousse constamment toute confrontation avec la réalité de notre vie et le besoin de changer. "Je vais arrêter... demain!" C'est pas mal toujours demain, hein?

L'envie aussi joue un rôle majeur. On se sent privés de choses qu'on pense "mériter".

Cette attitude nous pousse vers l'avidité.

On vit dans une coquille de "tout ou rien" qui engendre de la colère.

Pour y répondre, on boit ou on fait de la moto-narine pour n'importe quelle raison, en blâmant les gens, les lieux, les situations.

La surestimation de soi nous pousse à tout faire à l'excès - compulsions, obsessions, impatience, jalousie, impulsivité, stress... c'est comme une machine à amplifier toutes nos émotions négatives.

Le pouvoir incroyable d'être ben ordinaire

Voici le truc le plus radical que j'ai appris: l'antidote à la grandiosité, c'est pas de se rabaisser. C'est d'embrasser sa simplicité.

Être ordinaire, c'est la libération ultime, comme enlever des bottes de ski après une journée sur les pentes.

François, le gars dont je jasais tantôt, a fini par l'admettre: "Le jour où j'ai accepté que j'étais juste un alcoolique ordinaire avec les mêmes problèmes que ben du monde, ça a été le moment le plus libérateur de ma vie."

"Se croire exceptionnel est le plus grand obstacle à la connexion authentique avec les autres." Brené Brown

Le "je suis spécial" se cache partout, pas juste dans la bouteille

Pensais-tu que cette affaire de "je suis spécial" touchait juste ceux qui ont des problèmes avec l'alcool ou les drogues?

Ben non!

Ça se retrouve dans ben d'autres dépendances qu'on voit même pas comme des dépendances.

Laisse-moi te montrer ça :

Les médias sociaux et ton pouce qui scroll sans arrêt
T'as remarqué comment certains sont accrochés à leurs likes et leurs followers? Ceux qui se pensent spéciaux (et aussi ceux qui ont peur de pas l'être assez) sont souvent les plus pognés par en dedans.

Plus ils se croient extraordinaires, plus ils risquent de développer une dépendance à long terme.

Pourquoi?

Parce qu'ils ont besoin que le monde les admire, pis parce qu'ils sont souvent stressés en secret.

Ironiquement, ceux qui sont insécures peuvent même être plus à risque que les vantards!(c’est moi ça ici ,l’insécure )

Les jeux d'argent, où tu penses battre les statistiques Les joueurs qui ont des problèmes sérieux?

Ils ont souvent cette idée folle qu'ils peuvent contrôler le hasard (comme si !) ou qu'ils ont un don spécial pour prédire les cartes.

Ils sont aussi souvent super compétitifs et ont d'autres traits qui ressemblent beaucoup à cette mentalité de "moi, j'suis pas comme les autres". Plus ils croient ces affaires-là, plus leurs problèmes de jeu deviennent sérieux.

L'exercice qui vire à l'obsession Tu connais quel qu'un qui devient malade s'il manque sa journée au gym?

Ben, ça aussi , ça peut être lié à cette histoire de se croire spécial.

Ceux qui sont insécures peuvent aussi tomber là-de dans en essayant d'atteindre un corps "parfait" pour prouver leur valeur.

C'est encore pire avec les médias sociaux qui nous bombardent de photos de monde en shape parfaite - ça fait un cocktail parfait pour développer une relation malsaine avec l'exercice.

Pis y'a aussi.. . Les workaholiques qui peuvent pas lâcher leur cell, ceux qui magasinent compulsivement, pis ceux qui sont tellement a ccrochés à leur téléphone qu 'ils pourraient pas survivre une journée sans...

Même patente: ils se pensent soit spéciaux, soit pas assez spéciaux.

Faque quand je te dis que cette affaire d'égocentrisme excessif, c'est partout, j'exagère pas pantoute!

C'est comme d’la mauvaise herbe qui pousse dans tous les jardins de notre vie moderne.

Comment sortir de ce pétrin (sans se conter d'histoires)

Si tu te reconnais dans tout ça, voici quelques trucs pas compliqués:

1. La technique de la pause
Quand tu te surprends à penser "je suis différent", arrête tout, comme si tu venais de voir un orignal sur la route. Demande-toi: "Est-ce que cette pensée me protège de quelque chose que je veux pas voir?"

2. Cherche des preuves du contraire
Note les moments où tes "capacités exceptionnelles" se sont avérées... ben normales, finalement.

3. Joue au jeu des ressemblances
Dans tes conversations, force-toi à repérer ce qui te rapproche des autres plutôt que ce qui te distingue.

4. Redeviens débutant
Aborde tes défis comme si tu connaissais rien. Écoute les conseils de base sans faire ton fin finaud.

5. Essaie les méthodes "pour le monde ordinaire"
Au lieu de rejeter les approches standards, donne-leur une vraie chance. Sans les modifier à ta sauce pendant au moins trois mois.(Va faire un tour dans les meetings AA!)

6. Fais du bénévolat
Y'a rien comme aider les autres pour dégonfler ton égo. Quand tu donnes ton temps sans rien attendre en retour, t'apprends à sortir de ta p'tite bulle. Ça te montre que t'es pas le centre de l'univers pis que tout le monde a quelque chose à offrir. En plus, ça te donne une belle tape sur le cœur de voir que même avec tes défauts, tu peux faire une différence dans la vie de quelqu'un d'autre. C'est tough de se penser meilleur que tout le monde quand t'es à genoux en train d'aider quelqu'un qui lutte avec les mêmes affaires que toi.

(tu remarqueras que dans les protocoles que je te suggères, je t’invite souvent a créer de l’espace, à être présent à 100% et de prendre de grands respirations, des trucs bien simples mais pas toujours faciles à exécuter)

Le paradoxe final

Voici l'affaire la plus surprenante: quand t'arrêtes de te penser spécial, tu découvres ta véritable unicité.

La vraie singularité vient pas d'être au-dessus des lois humaines. Elle émerge de la façon dont tu navigues dans ces lois, comme tout le monde.

Ta combinaison d'expériences, de talents et de perspectives est unique sans faire de toi une exception aux règles de base de la vie.

C'est comme les power chords - la base que tous les guitaristes connaissent, mais c'est la distorsion, l'intensité et l'attitude qui transforment ce bruit simple en un hymne punk rock qui fait vibrer toute une salle.

N'importe qui peut jouer les mêmes notes, mais c'est ton style propre à toi qui fait toute la différence, pas besoin d'être un virtuose pour faire shaker le monde.

(ex:la simplicité des Ramones )

the ramones

Mon invitation

Aujourd'hui, j'te propose d'essayer quelque chose de fou: être juste une personne parmi d'autres. Ni meilleure, ni pire. Juste là, pleinement humaine, avec toutes les limitations et les petits défauts que ça comporte.

Tu pourrais découvrir ce que j'ai fini par comprendre: y'a une liberté immense à être personne de spécial. Y'a une connexion profonde disponible quand on descend de son piédestal.

Et y'a une joie surprenante à être simplement un humain parmi tant d'autres, comme un flocon dans une belle tempête de neige.

La vie vraiment bonne - celle avec des relations authentiques, une paix réelle et une joie durable - commence quand on lâche notre dépendance à l'extraordinaire pour apprécier le cadeau extraordinaire d'être ordinaire.

Comme dirait un sage: "Effort sans fin, humilité sans fin, modestie sans fin." Ça semble moins excitant que "Je deviens pas saoul, je deviens génial!" mais croyez-moi, c'est infiniment plus paisible et gratifiant.

Alors, on commence à en jaser?

Sans filtre.

Sans masque.

Avec nous-mêmes d'abord.

Parce que l'humilité, c'est pas une faiblesse.

C'est la porte d'entrée vers tout ce qu'on cherche vraiment.

(Si le sujet t’interpelle et que tu veux aller plus en profondeur dans ce sujet complexe, tu peux consulter mes notes de recherches: ici )


Cette réflexion résonne avec toi? Tu t'es reconnu quelque part? Raconte-moi ça en commentaire ou envoie-moi un message. J'suis passé par là, j'suis pas là pour juger, juste pour jaser!

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